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L’une des grandes ambitions d’ENED consiste à s’ouvrir à la communauté dans laquelle elle s’inscrit, afin de développer des partenariats et de s’imposer comme un acteur local à part entière, susceptible de susciter l’adhésion du voisinage, voire sa coopération.
C’est par exemple dans cette optique que nous recrutons prioritairement nos employés au sein du quartier ou de ses alentours, ou encore que nous-mêmes volontaires français avons choisi de nous y installer. Une telle vision se développe à différents niveaux, dont le premier reste naturellement celui des familles qui nous ont confié leur(s) enfant(s). Il ne s’agit en aucun cas de se substituer à ces familles, mais de les soulager temporairement des charges que représentent l’éducation d’un enfant, afin qu’elles puissent aller de l’avant et sortir des conditions précaires qui les ont conduites à se décharger de cette responsabilité.
Par l’intérmédiaire de Lourdes, la travailleuse sociale de la Fondation, nous nous efforçons ainsi de maintenir le lien avec les familles, les accompagnant autant que possible dans leur propre développement tout en les préparant à la future réinsertion de leur fils. Il s’agit en définitive d’établir un rapport dont chacun sortira gagnant : ainsi quand viendra le moment de quitter la Fondation l’énédito ne se retrouvera pas livré à lui-même ; bien au contraire il pourra jouir en principe d’un cadre familial bienveillant, tout en bénéficiant s’il le souhaite d’un suivi de notre part (dans le cadre du programme « externes »).

Comment lisser les murs?
Le projet dons je tiens à présent à vous faire part s’inscrit parfaitement dans le contexte exposé par cette longue introduction. Il s’agit tout à la fois d’apporter un soutien effectif à une famille de la communauté et d’inculquer aux jeunes du foyer ENED Segundo (âgés de 15 à 18 ans) à la fois des connaissances pratiques et les valeurs de solidarité et d’entraide qui sont au cœur des enseignement de la Fondation. Si j’émettais quelques réserves concernant l’implication de ces derniers dans l’accomplissement d’une tâche bénévole, la première expérience s’est révélée plus que concluante.
Il s’agissait d’aider Germania – la mère de Daniel, l’un des aînés de la Casa ENED Primero – dans l’optimisation de la boutique qu’elle venait d’ouvrir chez elle afin de gagner quelques sous. La pièce qui l’abritait était en effet vétuste et souffrait d’infiltrations d’eau, et le commerce manquait de visibilité.
La Fondation lui a donc octroyé une enveloppe de 10,000 pesos (environ 200 euros) pour couvrir l’achat du matériel, et fournissait la main d’oeuvre tandis qu’elle se chargeait de trouver dans le voisinage un professionnel susceptible de diriger les travaux. Lorsque leur emploi du temps le permettait, j’emmenais sur place par groupe de cinq ou six les jeunes de la Casa ENED Segundo ainsi que Daniel. Une fois rentré de l’école, son frère aîné, Ismael, participait également aux travaux, tandis que Germania et son ami Basilio assuraient l’intendance et les raffraîchissements.
Un premier après-midi fut consacré à l’achat des matériaux et au tamisage du sable nécessaire au ciment ; lors du second, le maître d’oeuvre leur enseigna comment « empañetar », c’est-à-dire comment lisser les murs en égalisant le ciment, étape indispensable à la peinture qui fut à l’ordre d’une troisième journée, puis finalement d’une quatrième. Et le tour était joué !
Si en bons « ados » ils se montrèrent de prime abord vaguement réfractaires à l’idée de cet effort non rémunéré, nos eneditos ne tardèrent pas à adhérer au projet, et même à en redemander ! Ainsi un jour qu’il me fallait ramener la voiture plus tôt que prévu je laissai finalement sur place un Raúl soucieux de terminer la tâche qu’il avait entreprise, quitte à rentrer en moto-taxi.

Travail accompli
Réalisés entre novembre et décembre, les travaux commencent timidement à porter leurs fruits : le petit commerce s’améliore pas à pas, et sa tenancière se montre résolument optimiste.
Ne manquait plus qu’à y apporter la touche finale : peindre, au moyen d’un patron en carton et d’une bombe de peinture, le nom choisi par cette mère de famille avec qui la vie n’a pas été tendre mais qui n’a jamais baissé les bras, et devrait récupérer son fiston de 14 ans dès la rentrée prochaine : « Los 4 unidos ».
Texte: Paul Jouanny